Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
The sound chaser
15 janvier 2005

Yes : Relayer (1974)

Yes : Relayer (1974) - Atco/Warner

3 morceaux seulement mais d' une immense virtuosité qui frôle le bord du gouffre, voire s' y introduit, chute, pour se relever miraculeusement à la fin, quelques côtes brisées, juste une égratignure et...Et ce disque.

Déjà les albums précédents montraient le groupe au bord de la rupture conscient de plonger dans une expérimentation de plus en plus complexe. Si "Close to the edge" (1972) montrait un son acide et un groupe inspiré de jazz au tempérament maîtrisé proche du chef d' oeuvre (on peut même considérer que c' en est un finalement non ?) et que le concept album d' ensuite (double disque concept de 1973 donc quadruple vinyle) se révélà plus mystique mais un peu plus fumeux (4 longues pistes de moyenne 20 minutes mais 2 seulement tenant à peu près la route, la 3eme --"giants under the sun"-- se révèlant inécoutable au possible voire chiante), ce "Relayer" lui va encore plus loin.

C' est d' ailleurs la dernière fois que le groupe ira aussi loin, peut être conscient d' avoir franchi le pas de trop.

La pochette ? Toujours dessinée --comme pour les autres albums du groupe-- par Roger Dean. De paisibles cavaliers et des châteaux taillés dans le roc. Pas loin, un serpent se faufilant entre les roches. En ouvrant le cd et regardant un peu plus la pochette, une illustration d' un insecte volant mais à coquille de mollusque. Quelque chose ne tourne pas rond et la pochette le montre un tant soit peu. Il règne dans cet album, une magie, une tension, une folie palpable, proches de la démesure, à l' image de ces châteaux taillés dans le roc.

La musique ? La plage titre de 22 mn, "Gates of delirium" est toute l' essence de cet album. Librement inspiré du roman "guerre et paix" (bref ça promet), vous serez plongé dans une musique mi-rock, mi-symphonique dont les paroles se révèlent assez sombres au sein de tous les albums de Yes. "Kill them, give them as they give us. Slay them, burn their children's laughter on to hell". Sympathique loi du talion n' est ce pas ? Pourtant le morceau n' est pas à proprement parler violent. Expérimental oui, avec ces changements de rythmes, bruits de verres brisés, déconstructions de guitares....Tout débouche sur une fin surgissant du chaos, belle à faire pleurer n' importe qui. Un must.

S' ensuivent "sound chaser" et "to be over", tous deux de 9 mn. Si le premier destructure allégrement la guitare pour en superposer d' ahurissantes nappes de synthés avec des paroles parfois cul-cul la praline, le second déboule sur une méditation plus calme, sorte de folk/rock mystique et féerique surprenant.

Cet album n' a pas du tout vieilli et reste encore une expérience fascinante.

Publicité
Commentaires
T
Yes<br /> <br /> Yes. Jamais un groupe n'aura déchaîné autant d'exaltations que de<br /> détractions, surtout pour l'inégalité qualitative de leur production<br /> musicale, où le sublime peut côtoyer, d'un album à l'autre, la<br /> morne tourbe, très en deçà du potentiel de ses interprètes.<br /> Inconcevable que Yes ait pu signer des albums comme "Big<br /> generator", "9027 live the solos" et "Open your eyes", voire<br /> "Union" suivant votre état réceptif.<br /> <br /> Et que dire de ces changements de line-up incessants, dus<br /> probablement (sûrement ?) à des ego surdimensionnés : après le<br /> deuxième album, changement de guitariste, après le troisième,<br /> changement de claviériste, après le cinquième, changement de<br /> batteur. Cela continuera souvent ainsi, et pas nécessairement au<br /> service de la musique telle que nous puissions l'attendre de Yes.<br /> Certains rejoindront, repartiront, reviendront à nouveau. On<br /> semble entrer et sortir de Yes comme d'un moulin. Seul le<br /> bassiste, Chris Squire, sera crédité sur tous les albums. Et comme<br /> le surnomment les fans : le gardien de la flamme.<br /> <br /> Du brasier ardent, je préciserai, car aux portes de 1975, Yes<br /> était déjà, et cela trois ans plus tôt, le garant du rock artistique<br /> avec un 'Close to the edge', cuvée 1972, où interprétations<br /> techniques et virtuoses coexistaient au sein de compositions aux<br /> multiples facettes harmoniques venant enrichir tant le phrasé<br /> mélodique que les expressions rythmiques. S'intéresser au rock<br /> progressif et passer à côté de cette oeuvre relève de la gageure,<br /> tellement cela reste et restera impensable, à jamais.<br /> <br /> L'année suivante, Yes persistera en signant avec 'Tales from<br /> topographic ocean', un forum pour un rock désormais symphonique<br /> (on ne parlait pas encore de rock progressif en ce temps-là), en<br /> quatre mouvements où chacun occupait toute une face d'un double<br /> vinyle. Encore sujet à controverse parmi les amateurs du groupe,<br /> certains reprochant, sûrement avec raison, les égarements de<br /> quelques passages solos, quand ce n'était pas, sur un plan plus<br /> général, le caractère ambitieux et emphatique de l'oeuvre.<br /> Quoiqu'il en soit, cet album, à défaut d'être un monument sans<br /> fissure, reste un des piliers de symphonisme dans la musique rock.<br /> <br /> Et première grosse cassure au sein de Yes, tant musicale que<br /> relationnelle : Rick Wakeman, celui qui apporta la touche<br /> définitivement symphonique au groupe, préfère les agapes<br /> arrosées des lueurs citadines au végétarisme champêtre d'un<br /> reste de Yes fraîchement militant. Pire, 'Tales from…' n'a pas du<br /> tout ses faveurs, ce qui est un doux euphémisme, l'homme étant<br /> beaucoup plus véhément dans son mécontentement d'alors. Et Rick<br /> de quitter le groupe, le 18 mai 1974, jour de ses 25 ans, et coup<br /> double avec une première place au classement britannique des<br /> albums pour son deuxième album solo : 'Journey to the centre of<br /> the Earth'.<br /> <br /> Et premières incertitudes sur l'avenir de Yes : alors que les<br /> autres changements au sein du groupe furent profitables à<br /> l'émulation et la composition, par les arrivées successives de<br /> Steve Howe, Rick Wakeman et Alan White, le départ de Rick, d'un<br /> Yes en pleine ascension, resta déconcertant. Jon Anderson<br /> approcha, à Paris, Vangelis Papathanassiou, et l'invita à Londres<br /> pour des sessions d'enregistrements. Mais rapidement, les<br /> divergences musicales, l'habilité technique moins grande et les<br /> déplacements aériens incessants (de plus, une méga-tournée était<br /> en préparation) eurent raison de cette hypothétique union,<br /> Vangelis étant plutôt solitaire et sédentaire. Mais de cette<br /> rencontre, jaillira une profonde amitié entre Jon et Vangelis, une<br /> première collaboration avec le titre 'So long ago, so clear' sur<br /> 'Heaven and Hell' de Vangelis, et plus tard, quelques albums signés<br /> Jon and Vangelis.<br /> <br /> Relayer<br /> <br /> Et le cinquième homme sera… Suisse. L'Helvète consenti à la place<br /> de l'Hellène pressenti. Quatrième changement de membre pour<br /> sept albums studios : le claviériste Patrick Moraz. C'est un<br /> pianiste classique depuis sa plus tendre enfance. Mais en pleine<br /> adolescence, un accident stupide (de patins à roulettes), blessant<br /> une de ses mains (quatre doigts fracturés de la main droite) avec<br /> une séquelle légèrement invalidante, a raison de sa future carrière<br /> à laquelle il semblait être destiné. Il se tourne vers le jazz, moins<br /> exigeant sur l'exécution, mais plus porté sur l'improvisation. Il va<br /> développer une technique adaptée, avec un réel souci de<br /> recherche sonore, les synthétiseurs étant des instruments<br /> familiers depuis l'âge de ses six ans. Et c'est avec tout un<br /> trophée de claviers qu'il se joint à Yes. Jugez plutôt : un grand<br /> piano Steinway & Sons, un piano électrique Rhodes Mark I, un<br /> orgue "d'église" Hammond C-3, quatre Minimoog, un Double Moog,<br /> deux Double Manual Mellotron Mark V, trois Arp Pro-Soloist,<br /> parmi les principaux.<br /> <br /> Et c'est justement sous son influence qu'une grande partie de<br /> "Relayer" baigne dans une ambiance jazzy, "Sound chaser" étant<br /> l'acmé. Si la musique de Yes se veut moins symphonique depuis le<br /> départ de Rick, elle s'est libérée, comme sans contrainte, avec un<br /> Patrick "aérien". Yes va se dépasser, comme suspendu dans l'air.<br /> "Relayer" est définitivement un album progressif, progressif vers<br /> le free, progressif vers le fusion, progressif vers le jazz-rock,<br /> progressif vers un univers tout en couleur, progressif vers des<br /> contrées aux limites sans cesse repoussées, progressif quoi. Après<br /> un album artistique, après un album symphonique, après un album<br /> progressif, té peuchère, il ne manquerait plus qu'ils nous fassent<br /> des petits avec tout plein d'albums solos tant que nous y sommes…<br /> <br /> Bon, sérieux. Le 5 décembre 1974, "Relayer" sort, rappelant par<br /> son contenu (un long morceau sur une face et deux titres sur<br /> l'autre) "Close to the edge". Le temps de placer le disque sur la<br /> platine et…<br /> <br /> The gates of delirium<br /> <br /> Quand Jon Anderson proposa au piano les différents thèmes et<br /> motifs aux autres membres du groupe, toute la charpente d'une<br /> future oeuvre était déjà achevée dans sa tête. Pour les textes, il<br /> s'inspira librement de 'Guerre et Paix' de Lev Tolstoï, en<br /> réadaptant le propos en une métaphore sur la poursuite de la<br /> guerre au Viêt Nam, et cela malgré les accords de Paris prévoyant<br /> le retrait des troupes américaines à cette époque. Cette parabole<br /> allégorique manichéenne décrit une opposition de deux forces<br /> antagonistes : les 'Gods' et les 'Devils'. Avec un verbe noir et cru,<br /> Anderson exalte l'irrationalité du conflit à son paroxysme, où<br /> l'engagement de la bataille entraîne bien des maux : souffrance et<br /> malheur, vengeance et mort. Tous les membres de Yes vont<br /> s'employer à saisir cette occasion propice à transformer<br /> l'ensemble des différents thèmes en un vaste drame musical. Bien<br /> plus qu'un poème symphonique, 'The gates of delirium' est une<br /> musique thématique (à programme) à elle seule. Cette longue pièce<br /> est avant tout très narrative. La richesse harmonique,<br /> l'importance de la mélodie sans cesse renouvelée, les répétitions<br /> et variations des thèmes, les alternances des jeux, tant sur les<br /> hauteurs que sur les tempos et exécutions, donne à cette oeuvre<br /> une magnificence, où complexité, vigueur, intensité, variété et<br /> contraste produisent un effet de surprise soignée, un soutien de<br /> l'attention et un maintien de l'intérêt. Ajoutez la virtuosité des<br /> musiciens, et vous commencerez à percevoir toute l'étendue de ce<br /> suspense dramatique. Quant au dénouement, il est optimiste, le<br /> caractère essentiel de la musique de Yes étant d'être positif,<br /> renforcé par l'exceptionnelle tessiture naturelle de contralto sans<br /> fausset de Jon Anderson, apportant toute une connotation<br /> angélique : paix et espoir.<br /> <br /> Petite parenthèse : la sonate<br /> <br /> Puisque le mot est lâché, quelques mots sur la sonate… La sonate<br /> classique dite "sonate allegro" est une forme musicale définie et<br /> arrêtée au XVIIIe siècle, où chaque compositeur de cette époque<br /> se devait de l'appliquer, sans y déroger ne serait-ce d'une once.<br /> <br /> Elle est constituée de trois sections :<br /> 1 – l'exposition, construit autour de deux thèmes principaux,<br /> précédés occasionnellement d'une introduction,<br /> 2 – le développement, variant les thèmes déjà exposés avec de<br /> nouveaux motifs,<br /> 3 – la réexposition, reprenant les thèmes initiaux se concluant sur<br /> un motif final bref et rapide.<br /> <br /> Une section ternaire peut venir s'insérer entre la 2e et la 3e :<br /> comme un menuet ou un scherzo.<br /> <br /> A partir du XIXe siècle, certains compositeurs se soustraient à ce<br /> carcan contraignant, et réducteur. Les oeuvres symphoniques se<br /> veulent plus complexes, plus novatrices. Le piano fait son<br /> apparition avec toute sa dynamique et ses contrastes. Les maîtres<br /> mots de cette musique : bouleverser, émouvoir. La musique n'est<br /> plus classique : elle est romantique. La forme sonate n'échappe pas<br /> à cette explosion de couleurs.<br /> <br /> Sa structure change et permet certaines libertés d'action, voire<br /> certaines audaces :<br /> 1 – l'introduction (optionnelle), avec une petite transition<br /> (optionnelle),<br /> 2 – l'exposition avec un thème à plusieurs motifs, voire un second<br /> thème (double exposition optionnelle),<br /> 3 – le développement : soit une extension des motifs proposés, une<br /> mutation des thèmes, ou des différents,<br /> 4 – la transition (optionnelle), pont entre le développement et la<br /> réexposition,<br /> 5 – la réexposition : soit une reprise des thèmes initiaux, ou des<br /> motifs nouveaux,<br /> 6 – la coda (optionnelle), longue ou courte : la section conclusive de<br /> l'ensemble.<br /> <br /> Donc, "The gates of delirium" est une pièce de forme musicale sonate<br /> du mouvement romantique, constituée de six sections.<br /> <br /> Pièce : The gates of delirium 21:47<br /> Section Début Fin Durée<br /> 1 Introduction 00:00 02:11 02:11<br /> 2 Exposition 02:11 08:02 05:51<br /> 3 Développement 08:02 15:05 07:03<br /> 4 Transition 15:05 16:06 01:01<br /> 5 Rondo 16:06 21:22 05:16<br /> 6 Coda 21:22 21:47 00:25<br /> <br /> The Gates of Delirium (1974), drame en quatre tableaux<br /> Auteur : Jon Anderson<br /> Compositeurs : Jon Anderson, Steve Howe, Patrick Moraz, Chris Squire et Alan White<br /> Interprètes : Yes<br /> Claviers (Patrick) : les 'Gods'<br /> Guitares (Steve) : les 'Devils'<br /> Basse (Chris) : les bruits de bottes<br /> Batterie (Alan) : les armes<br /> Chant (Jon) : l'observateur<br /> <br /> 1 - Introduction<br /> <br /> Durée : 02'11 – De 00'00 à 02'11 – Instrumental avec voix.<br /> <br /> La pièce débute par une introduction. Quoi de plus normal, me<br /> diriez-vous. Je vous rappelle toutefois qu'une introduction est<br /> optionnelle. Pour cela je vous renvoie au début de "The revealing<br /> science of God – Dance of the dawn", de "Dancing with the moonlit<br /> knight" ou de "Supper's ready" : ce sont des exemples parmi tant<br /> d'autres de morceaux commençant directement par l'exposition<br /> de la chanson, sans introduction.<br /> <br /> Cela commence avec le motif Ia1 par une installation rythmique<br /> produite par une série de notes en boucle en demi-teinte où<br /> interagissent guitare et clavier en second plan. Ces nuances<br /> expriment l'équilibre relatif des forces entre 'Gods' et 'Devils' :<br /> l'ambiance s'installe et déjà, la latence d'un conflit en<br /> germination. L'alternance des motifs Ib et Ic du 1er couplet vient<br /> confirmer : la guitare en premier plan, en une pulsation<br /> d'harmoniques à conclusion montante, puis en une vivacité de notes<br /> crues en gamme ascendante, accentue ce qui n'était qu'apparence.<br /> Les espérances trompeuses de paix semblent compromises. Il<br /> flotte comme une menace, comme une insistance incisive d'une<br /> attaque prochaine. Le motif Ic3 corrobore le désordre et la<br /> confusion chez les 'Devils'. L'enchaînement sur Id1 (00:23) avec<br /> cette comptine étrange et malsaine, cache une folie destructrice.<br /> Poursuite et insistance avec le 2e couplet. A partir du 3e, le Ia1<br /> déjà exposé subit une variation en Ia2 (00:47) par un supplément<br /> de guitares et de claviers plus en premier plan. La supériorité, la<br /> moquerie et l'insolence des 'Devils' s'opposent à l'insouciance, à la<br /> gaîté et à la naïveté des 'Gods' semblant les braver. Ceci a pour<br /> cause de déclencher le désordre, la confusion, l'agitation et la<br /> folie meurtrière par le dodécaphonisme en Ic4 de la guitare<br /> exposée en solo. Et toujours cette atmosphère malsaine en début<br /> du 4e couplet où l'agacement des 'Devils' se heurte à l'insouciance<br /> provoquée par l'entrée de l'instrument vocal en Ie2 (01:24),<br /> l'observateur prenant parti. La réponse ne se fait pas attendre :<br /> l'énervement est grandissant (Ig1) et l'avertissement est brutal,<br /> comme martelé à grand renfort de coups de semonce (Ih1). Pas de<br /> réaction des 'Gods' : l'introduction se termine par une accalmie<br /> (temporaire ?), par un statu quo (02:01).<br /> <br /> C'est une introduction lente, bien installée, avec un tempo bien<br /> isolé du reste qui va suivre. La petite transition conclusive annonce<br /> la section suivante.<br /> <br /> 2 - Exposition<br /> <br /> Durée : 05'51 – De 02'11 à 08'02 – Chant avec solos.<br /> <br /> L'exposition, c'est la chanson proprement dite. C'est la<br /> présentation des thèmes, des nouveaux thèmes. Elle est ici<br /> bithématique parce que nous sommes en présence d'une double<br /> exposition, avec, en plus, une reprise supplémentaire.<br /> <br /> Comme c'est une chanson, la musique présentée est moins sujette<br /> à interprétation. Le propos est explicite et expressif,<br /> l'observateur faisant le constat des tensions conflictuelles.<br /> <br /> Outre l'aspect "lyrique", le 1er thème (02:11-05:44) s'oppose eu<br /> 2nd (05:44-07:29) : si le 1er est plus long, plus rapide et plus fort,<br /> le 2nd est plus court, plus lent et plus doux. Étant dans un<br /> mouvement romantique proche de l'impressionnisme, le 1er thème<br /> persiste en mémoire comme marqué d'une empreinte indélébile.<br /> D'autres motifs viennent s'insérer : inclusions (de 1 à 4) et 1er solo<br /> (04:44) en Ec, Ed et Ef. Le 2nd thème dessine le 1er en le<br /> tempérant par touches contradictoires. Mais la douceur énoncée<br /> précédemment est toute relative, car le 2nd solo est plutôt<br /> annonciateur de lendemains obscurs, évoquant les sentiments les<br /> plus vils comme la vengeance. Après ce compartiment central,<br /> retour au 1er thème, par la reprise (07:29), au ton toujours plus<br /> agressif : la tension est à ses limites de rupture. Et la codetta de<br /> transition (07:57), closant cet énoncé, abonde dans ce sens :<br /> contraction, aggravation. Le conflit est inéluctable.<br /> <br /> 3 - Développement<br /> <br /> Durée : 07'03 – De 08'02 à 15'05 – Instrumental avec bruits.<br /> <br /> Le développement est l'extension de l'exposition. Après les<br /> premiers thèmes principaux, les seconds thèmes principaux. Mais<br /> ici, il s'agit bien plus qu'une extension de thèmes déjà présentés<br /> et exposés, car, mieux qu'une simple mutation de motifs<br /> précédents, ils sont différents et nouveaux, compartimentés en<br /> trois sous-sections, à la fois indépendantes et parfaitement unies.<br /> <br /> C'est le conflit proprement dit. Le développement doit<br /> retranscrire la solidité, l'expression, la narration (et cela malgré<br /> l'absence de paroles), l'intensité, le drame, l'insistance. C'est à<br /> ces fins qu'il s'articule en plusieurs sous-sections, avec une<br /> alternance de rythmes lents et rapides, avec une alternance de<br /> moments doux et forts. Et c'est dans le deux premières soussections<br /> que la subtilité dans les nuances doit donner une<br /> représentation conceptuelle de l'image, une impression avec force.<br /> <br /> 1re sous-section (De 08'02 à 10'20) : opposition et confrontation. Après une brève<br /> introduction par le motif Da1 (08:02-08:08), ce sont les 'Gods' qui<br /> entament le dialogue (08:08) par un ton interrogatif, la hauteur du<br /> son allant du bas vers le haut, comme pour dire : "voulez-vous<br /> vraiment vous battre ?". Pas de doute dans le motif Dc1, la<br /> hauteur du son va du haut vers le bas : réponse affirmative, et<br /> décidée. Et cet échange continue crescendo jusqu'à son<br /> paroxysme en (09:21) où ça crie, ça hurle, ça siffle.<br /> Inévitablement, c'est la charge en Db3. On dévale les pentes pour<br /> investir et combler le no man's land.<br /> <br /> 2e sous-section (De 10'20 à 12'47) : engagement et collision. Les hostilités sont<br /> ouvertes. C'est au tour de toute la section rythmique d'être en<br /> premier plan. Encore beaucoup de bruits, de déchirements. Les<br /> 'Devils' semblent prendre l'avantage en Df1 (10:57). Puis<br /> retournement de situation par la reprise du motif De1 (12:04) :<br /> triomphe et victoire se tournent vers les 'Gods', en opposition à la<br /> souffrance de leurs adversaires. Dh1 (12:38) annonce le<br /> dénouement proche, tournure irréversible, terme du combat ?<br /> <br /> 3e sous-section (De 12'47 à 15'05) : reddition et capitulation. Toujours cette hauteur<br /> de son allant vers le haut : 1re demande de reddition (12:47-13:06)<br /> par les 'Gods'. Pas de réponse des 'Devils'. 2e demande de<br /> reddition (13:06-13:24). Mutisme. 3e demande de reddition (13:24-<br /> 13:43). Résistance. Et 1re acceptation (13:43-14:01), puis 2nde<br /> acceptation (14:01-14:19) des 'Devils' en reprenant en duo le<br /> même motif de reddition. Et les 'Devils' de poursuivre : trois<br /> demandes de condition (14:19-14:33), suivies de trois implorations<br /> (14:33-14:47). Mais c'est au tour des 'Gods' de se terrer dans le<br /> silence : intransigeance. Donc, reddition sans condition des<br /> 'Devils' ployant sous le joug. Motif de capitulation en (14:47) : fin<br /> de la bataille.<br /> <br /> 4 - Transition<br /> <br /> Durée : 01'01 – De 15'05 à 16'06 – Instrumental.<br /> <br /> La transition est le lien, le pont entre la fin du long développement et le retour aux thèmes connus.<br /> <br /> "Le champ couvert de morts sur qui tombait la nuit.", écrivait<br /> Victor Hugo dans La légende des siècles, après la bataille où tous<br /> les morts sont victimes. Nous entrons en phase de relâchement<br /> après le conflit. Notez le soin apporté dans le climat tenu de ce<br /> motif. Ce motif est une sorte de dies irae, mais sans chant. Nous<br /> avons vue sur le champ d'honneur. C'est le temps du constat :<br /> examen de la situation, réflexion sur ce qui vient d'être présenté,<br /> lamentations, ambiance chargée d'émotions, pansement des<br /> blessures. Pas de vainqueurs à vénérer avec ardeur. Pas de vaincus<br /> à évincer sans mesure. Un seul et unique vrai vainqueur de ce<br /> conflit : la mort (et ses affres), victorieuse d'un charnier de<br /> dépouilles mortelles. Prise de conscience…<br /> <br /> 5 - Rondo<br /> <br /> Durée : 05'16 – De 16'06 à 21'22 – Chant.<br /> <br /> Dans la forme sonate, il est souvent de bon ton de ne proposer<br /> qu'une réexposition en une reprise des thèmes initiaux, tel<br /> l'éternel retour. Seulement, pour Jon Anderson, cela est<br /> inconcevable. Cela signifierait le retour à de nouvelles hostilités, à<br /> dire que l'homme ne changerait jamais. Le propos, tel empreint de<br /> mazdéisme, se termine pourtant par le triomphe final du bien.<br /> Mais cela n'est pas suffisant. Jon veut finir par une idée<br /> réellement positive. Il n'y aura donc pas d'acheminement vers la<br /> réexposition récapitulant les thèmes précédemment exposés. Et<br /> qui plus est, omettre les anciens thèmes et apporter du matériel<br /> neuf accroissent le caractère romantique de l'oeuvre. Donc : pas<br /> de répétition, ni d'intercalation de motifs préalablement entendus<br /> depuis le début.<br /> <br /> La réexposition est donc remplacée par un rondo, en guise de<br /> nouvelle structure finale. Le rondo est ternaire. Il y a l'énoncé<br /> (16:06-18:04), le contraste (18:04-18:23) et la reprise (18:23-<br /> 21:22). Tout s'articule autour d'un même thème renouvelé en une<br /> suite de petits motifs mélodiques. La particularité est que chaque<br /> couplet débute par le refrain, mais uniquement sur la première<br /> phrase : Soon Oh soon the light (time); et que les autres phrases<br /> sont le couplet proprement dit. Tout s'enchaîne à intervalles bien<br /> réglés. Le contraste Rb1 fait office d'intermède mineur pour<br /> encore étendre des sentiments de réflexion, de confidence, de<br /> remise en question et de recherche de la perfection. Puis c'est la<br /> reprise, sans ornement ni variante, un peu comme une pièce da<br /> capo.<br /> <br /> Après les horreurs du spectre de la guerre, voici la lumière,<br /> mystique, la lueur d'espoir, d'optimisme, d'ascèse, chère à Tolstoï.<br /> <br /> 6 - Coda<br /> <br /> Durée : 00'25 – De 21'22 à 21'47 – Instrumental.<br /> <br /> La coda est la section conclusive de cet ensemble épique,<br /> grandiose et majestueux. Elle est ici très courte. Ce n'est plus<br /> l'heure aux développements des thèmes. On finit dans la<br /> continuité du style du rondo, comme ultime insistance pour<br /> confirmer le final optimiste.<br /> <br /> Comme pour paraphraser ce qu'on dit à propos des oeuvres<br /> de Mozart, aurais-je cette audace à vouloir déclamer<br /> qu'après une musique de Yes, le silence qui suit est encore<br /> de Yes.<br /> <br /> Un petit mot sur les deux autres titres<br /> <br /> 'Sound chaser' : le titre fusion de l'album, ou plus<br /> précisément le morceau jazz-rock-prog. Beaucoup de<br /> notes, par myriade, surtout de guitare. Steve Howe ne<br /> semble jamais s'arrêter. Après une introduction très free<br /> (00:00-01:04) donnant la part belle aux claviers de Patrick<br /> Moraz, à partir de cette minute zéro quatre, impossible<br /> d'interrompre Howe, même pendant le chant d'Anderson.<br /> Si bien qu'à un moment, tous les autres semblent quitter le<br /> studio pour laisser Howe poursuivre seul, dès la troisième<br /> minute. Puis la basse revient, ensuite le clavier, Jon enfin.<br /> Retour au thème de l'introduction (06:12) pour la seconde<br /> partie du morceau : une explosion. Les trois dernières<br /> minutes qui font le titre. Tout d'abord, la petite prouesse :<br /> un motif joué quatre fois, mais à des tempos différents<br /> (06:28-06:51), (06:51-07:01), (07:01-07:13) et (07:13-<br /> 07:37). Et surtout, le solo de Moraz (07:44-08:39) : un feu<br /> d'artifice, que dis-je, le bouquet final. 'Sound chaser'<br /> reste tout de même un morceau à part dans la discographie<br /> de Yes, par le solo envahissant d'un Howe omniprésent, et<br /> par les onomatopées 'Chachacha-chacha' où la voix<br /> d'Anderson se fait plus percussive qu'instrumentale.<br /> <br /> 'To be over' : fortes similitudes avec 'Sound chaser' dans<br /> la forme. On retrouve deux parties, et un passage solo de<br /> Howe. Cela débute gentiment par un motif où chaque<br /> instrument arrive comme un incrément, en crescendo,<br /> jusqu'au début du chant d'Anderson. Puis l'intervention<br /> soliste de Howe, dans un pur style île du Pacifique. Et là<br /> aussi, la seconde partie qui flamboie : un hymne de beauté<br /> (04:27) à la Yes. Plus loin, Moraz est en premier plan<br /> (06:39). Anderson revient pour quelques ultimes mots, et<br /> cela se termine sur des notes glissantes de Howe sur<br /> lesquelles des voix en choeur reprennent la mélodie<br /> introductive.<br /> <br /> Fin de 'Relayer'. 35 ans, déjà !<br /> <br /> En guise de conclusion<br /> <br /> Paradoxal de voir un grand nombre de compositeurs de<br /> musique contemporaine se tourner vers la musique atonale,<br /> dodécaphonique, sérielle ou concrète, pendant que les<br /> membres de Yes, dans les années 70, deviennent non<br /> seulement les pionniers, mais aussi les plus créatifs,<br /> sortant du système formel de la musique moderne, en<br /> puisant dans les formes musicales classico-romantiques, où<br /> même le jeu vocal est instrumental. Alors, rock artistique,<br /> classique, symphonique, progressif, (un journaliste de<br /> l'époque s'était même aventuré à parler de rock<br /> topographique, on comprend bien ce qui l'a influencé, quant<br /> à savoir ce que cela voulait dire… mais après tout, pourquoi<br /> pas), peu importe. On pourrait jusqu'à ajouter à cette liste<br /> le qualificatif romantique. Sale temps pour les idées<br /> reçues. Le romantisme n'a rien de gnangnan, de triste ou<br /> de mélancolique. Ce peut être un cri, exaltant les<br /> sentiments les plus profonds, les plus ancrés en nous. Tout<br /> comme en poésie : ça hurle, ça râle, c'est du rap. Éveil<br /> sensitif, ébranlement sentimental, trouble émotionnel,<br /> ressentiment indéfinissable, touche sensible sont les<br /> objets de prédilections du romantisme, où le poète par son<br /> éloquence et le compositeur par ses harmonies réalisent un<br /> habile mélange de sons, de rythmes, de thèmes et<br /> d'images. Et Yes l'a fait. Mais pourront-ils le refaire ?<br /> <br /> Et nous n'allons pas nous quitter comme<br /> cela<br /> <br /> Une amusette. Sur 'Tales from topographic ocean', est<br /> présent un motif musical rappelant l'album précédent<br /> 'Close to the edge'. Pour cela, comparez le passage (02:58-<br /> 03:02) de 'Close to the edge' avec celui de 'Ritual – Nous<br /> sommes du soleil' (04:23-04:29). Même chose avec l'album<br /> suivant : comparez le passage (05:24-05:34) ou (17:21-<br /> 17:33) de 'Ritual – Nous sommes du soleil' avec celui de<br /> 'To be over' (03:55-04:02) sur l'album 'Relayer'.<br /> Trouveriez-vous le leitmotiv commun aux albums 'Going for<br /> the one' et 'Relayer' ? C'est un tout petit peu plus subtil.
N
Merci...<br /> Problème : j'ai peu de temps souvent pour faire des mises à jour...
C
Je viens de faire une rapide visite sur ton blog puisque tu avais mit le lien sur mon blog de -M- ,je le trouve vraiment intéressant ,je repasserais le regarder plus en détail par la suite ,là j'ai beaucoup de boulot lol , je vais aussi te rajouter comme lien ,<br /> a+
Publicité
Archives
Publicité