Yes : Relayer (1974)
Yes : Relayer (1974) - Atco/Warner
3 morceaux seulement mais d' une immense virtuosité qui frôle le bord du gouffre, voire s' y introduit, chute, pour se relever miraculeusement à la fin, quelques côtes brisées, juste une égratignure et...Et ce disque.
Déjà les albums précédents montraient le groupe au bord de la rupture conscient de plonger dans une expérimentation de plus en plus complexe. Si "Close to the edge" (1972) montrait un son acide et un groupe inspiré de jazz au tempérament maîtrisé proche du chef d' oeuvre (on peut même considérer que c' en est un finalement non ?) et que le concept album d' ensuite (double disque concept de 1973 donc quadruple vinyle) se révélà plus mystique mais un peu plus fumeux (4 longues pistes de moyenne 20 minutes mais 2 seulement tenant à peu près la route, la 3eme --"giants under the sun"-- se révèlant inécoutable au possible voire chiante), ce "Relayer" lui va encore plus loin.
C' est d' ailleurs la dernière fois que le groupe ira aussi loin, peut être conscient d' avoir franchi le pas de trop.
La pochette ? Toujours dessinée --comme pour les autres albums du groupe-- par Roger Dean. De paisibles cavaliers et des châteaux taillés dans le roc. Pas loin, un serpent se faufilant entre les roches. En ouvrant le cd et regardant un peu plus la pochette, une illustration d' un insecte volant mais à coquille de mollusque. Quelque chose ne tourne pas rond et la pochette le montre un tant soit peu. Il règne dans cet album, une magie, une tension, une folie palpable, proches de la démesure, à l' image de ces châteaux taillés dans le roc.
La musique ? La plage titre de 22 mn, "Gates of delirium" est toute l' essence de cet album. Librement inspiré du roman "guerre et paix" (bref ça promet), vous serez plongé dans une musique mi-rock, mi-symphonique dont les paroles se révèlent assez sombres au sein de tous les albums de Yes. "Kill them, give them as they give us. Slay them, burn their children's laughter on to hell". Sympathique loi du talion n' est ce pas ? Pourtant le morceau n' est pas à proprement parler violent. Expérimental oui, avec ces changements de rythmes, bruits de verres brisés, déconstructions de guitares....Tout débouche sur une fin surgissant du chaos, belle à faire pleurer n' importe qui. Un must.
S' ensuivent "sound chaser" et "to be over", tous deux de 9 mn. Si le premier destructure allégrement la guitare pour en superposer d' ahurissantes nappes de synthés avec des paroles parfois cul-cul la praline, le second déboule sur une méditation plus calme, sorte de folk/rock mystique et féerique surprenant.
Cet album n' a pas du tout vieilli et reste encore une expérience fascinante.